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20 juillet 2016 3 20 /07 /juillet /2016 12:05

Claudine M. l’a lu comme un roman addictif, nous plongeant dans un vieux quartier du Naples des années 50, avec la difficile cohabitation de ses habitants, précarité des uns, manque de scrupules des autres, liens avec la mafia, relationnel compliqué par des non-dits, des conventions d’un autre âge, une Eglise apparemment en retrait mais omniprésente et des fenêtres ouvertes sur les vies privées comme publiques. Naples apparait comme un sombre décor dont on ne s’échappe que rarement. Heureusement il y a la mer, à la fois proche et lointaine, apportant fraîcheur, pureté, rêve…encore faut-il y parvenir…

Les personnages sont très attachants, précise Léontine, et très nombreux aussi. Beaucoup de familles de gens simples, pauvres et travailleurs. Pour ne pas s’y perdre, ne pas hésiter à avoir recours aux arbres généalogiques en préambule du roman.

Elena et Lila sont les 2 personnages principaux que l’on suit de 5 à 17 ans dans le roman. L’éducation des enfants à l’époque était similaire à celle de la mienne, sévère et restrictive, mais c’est un plaisir de noter que, quelle que soit l’époque, les enfants sont toujours aptes à inventer et à rêver d’un monde imaginaire.

Et en effet, Françoise M. a été conquise par le pouvoir que possèdent les « petits » de transcender les réalités parfois bien sombres pour piocher des petits bonheurs, rire de tout et de rien, se disputer mais se retrouver ensemble. Au fond, ce sont ces gosses de banlieue qui testent la vie, avec ses joies et ses peines, regard merveilleusement tendre et bienveillant d’Elena Ferrante mettant en scène ces deux gamines différentes mais si proches qu’elles ne semblent parfois ne faire qu’un. Cette amie prodigieuse serait-elle imaginaire, sorte de double inventé par la narratrice ?

Cette idée de la puissance de l’amitié entre les deux filles, leur relationnel compliqué et souvent ambigu est reprise par plusieurs lectrices, notamment Francine, Noëlle, Marie-Françoise.

Francine qui insiste sur cette atmosphère d’optimisme général, propre à l’après-guerre, en dépit des difficultés rencontrées par tous ces gens décrits dans le livre, a particulièrement aimé la description du milieu scolaire vu comme promotion sociale. Elle nous dit avoir aimé le roman pour son sujet intéressant et original, nous dit aussi qu’elle l’a lu comme un excellent best-seller ou comme on regarderait une bonne série télévisée. A regretté un style sans grande valeur littéraire.

Noëlle, absente mais qui nous a transmis son commentaire, parle d’enfermement, des héroïnes et de ceux qui les entourent, dans leur quartier, dans une « sous »-culture, dans un langage (le patois), dans des mentalités brutales et primaires. L’accès aux études lui étant interdit, Lila se suicide intellectuellement en refusant toute lecture et en se mariant très jeune. L’amitié trouble parfois des deux adolescentes est bien rendue (cf la scène de la toilette de la mariée) ainsi que leur douleur lorsque la vie les éloigne l’une de l’autre.

Naples dans les années 50, deux petites filles liées par une forte amitié découvrent la vie et ses codes, la toute-puissance de l’homme à cette époque, la soumission de la femme, mais aussi les lois et règlements implacables, les sanctions parfois terribles. Le décor est planté, selon Marie-Françoise, aussi bien que dans un film. L’écriture, nous dit-elle, est fluide, puissante, et on a hâte de découvrir la suite dans les tomes à venir.

Monde aussi, ajoute Françoise D, de jalousie, sympathie, entraide, de sentiments parfois contradictoires typiques de l’adolescence.

Récit touchant de vérité très attachant sur l’enfance et l’adolescence dans ce quartier défavorisé de Naples et dans lequel, nous dit-elle, je retrouve un écho personnel, sauf les mafiosos, bien sûr !!!.

A noter les histoires que les petites inventent telles que l’épisode des poupées et Don Achille. Et vivement la suite !

Oui, observe Maïté, on retrouve dans cet après-guerre un peu de notre enfance. Il est intéressant toutefois de noter les différences entre cette Italie du Sud et la France, notamment pour la scolarité obligatoire et laïque chez nous depuis 1881, seulement après la guerre en Italie. Dans le roman, les parents de milieu modeste sont analphabètes et ne comprennent pas l’intérêt de faire des études, d’où les conflits avec les enfants et la maîtresse qui a le souci d’encourager les élèves doués comme Elena et Lila.

Rôle capital, renchérit Georges, des profs et des instits dans ces lieux déshérités, seuls certains d’entre eux peuvent se dresser contre la puissance d’une religion rétrograde, en faisant preuve de finesse et de subtilité sans prendre le contrepied des institutions dirigeantes. Les études ou un mariage précoce sont les seules possibilités s’offrant à ces deux jeunes filles dans ce quartier pauvre où règne une mafia plus suggérée que décrite, ce qui la rend encore plus présente et inquiétante.

Georges a aimé le livre, à l’écriture personnelle et originale. Deux bémols à noter : la « technique » de rappeler systématiquement la situation des personnages dans l’histoire et la manie de chapitres trop courts se terminant sur un évènement afin de nous inciter à poursuivre la lecture.

Sylvette qui a beaucoup aimé ce roman veut insister sur la qualité de l’amitié qui unit les deux filles, pas toujours douce, souvent cruelle, pleine de non-dits et d’incompréhension, typique de la difficulté des rapports humains. Une forme embryonnaire de féminisme apparaît à travers la volonté des enseignants à encourager les filles à faire des études, de même que l’engagement politique dans le personnage intéressant de Nino. J’ai lu le tome 2, vous n’êtes pas au bout de vos surprises !

Monique, elle, a tout lu ou presque. Elle a adoré l’Amie Prodigieuse, l’a proposé à la lecture du groupe et est ravie qu’il ait plu. Elles vous invitent, bien sûr, à lire la suite, le tome 2 « le Nouveau Nom » circule actuellement dans le groupe et les deux autres tomes sont à paraître.

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17 mai 2016 2 17 /05 /mai /2016 11:02

Deux faces du talentueux Michel Tournier :

-La Solaire pour les Vendredi : -Vendredi ou la Vie Sauvage, -Vendredi ou les limbes du Pacifique

-La Ténébreuse pour le Roi des Aulnes.

Quel que fut notre choix, unanimité pour saluer l’écriture, la pensée et les évocations puissantes de cet écrivain récemment disparu.

« D’abord, poursuit Marie-Françoise, j’ai lu ce livre dans l’idée qu’il était destiné aux enfants, avec son petit côté scout et l’apprentissage de la survie dans la nature. Mais avec l’apparition de Vendredi, Robinson et le lecteur se posent des questions plus existentielles sur la vie en société, l’importance des autres pour survivre et la découverte que le bonheur peut se trouver quel que soit son choix de vie, prise de conscience également que la vieillesse est un état d’esprit avant de devenir un état permanent dans le corps…

Livre à offrir à des jeunes comme à des adultes, car il donne à réfléchir. »

« Moi aussi, dit Monique, je me suis régalée à relire les deux Vendredi et notamment Vendredi ou les limbes du Pacifique, chronologiquement le premier rédigé pour un public d’adulte. J’ai particulièrement apprécié l’alternance narration/journal intime et c’est grâce au récit à la 3ème personne que nous partageons intensément les émotions et les actions de Robinson (désarroi, dépression, période suicidaire, reprise en main, travail incessant pour cultiver, apprivoiser les animaux, éduquer le jeune sauvage Vendredi). Dans le journal intime, M. Tournier attribue à son personnage le pouvoir que donne l’introspection et par étapes l’on assiste à la métamorphose de Robinson réalisant l’inanité d’une société puritaine n’ayant pour objectif que l’accumulation de biens. Alors, grâce à la luxuriance de la nature, la fidélité constante de son chien et bien sûr Vendredi si différent, inventif, joyeux, Robinson jette sa dépouille d’homme psychorigide, coincé, soucieux et xénophobe pour devenir un homme solaire, insouciant et sensuel, loin des carcans sociaux qui lui avaient été imposés.»

Ne comptez pas sur nous pour vous dévoiler le dénouement original de ce livre formidable à découvrir ou redécouvrir et tout à fait bienvenu en cette période où joie de vivre et confiance en nos énergies vitales semblent avoir quelque peu disparu.

Passons à présent à ce que nous appelons la face plus ténébreuse de l’écrivain M. Tournier qui nous semble s’exprimer à travers son livre Le Roi des Aulnes.

Claudine, Maïté et Sylvette l’ont lu, toutes trois s’accordent à le qualifier de dérangeant, déstabilisant, difficile et exigeant, tant par les thèmes évoqués (camps de prisonniers, jeunesse hitlérienne, joug nazi, « chair fraîche », dépendance…) que pour la multiplicité des métaphores et références bibliques.

Comme dans Vendredi ou les limbes du Pacifique, l’alternance entre narration et journal intime est très significative et c’est par la partie narration que nous touchons au plus près les émotions et comprenons la psychologie complexe de ce personnage sombre et ténébreux, assez hermétique parfois.

Maïté développe particulièrement les métaphores et références mythologiques et bibliques.

« L’image de l’ogre, nous dit-elle, n’est pas qu’Abel Tiffauges, elle est aussi dans ce livre représentée par Hitler et Goering, ce dernier organisant des fêtes folles et mégalomaniaques.

Tiffauges, lui, dans ce camp, réalise son rêve, vivre au milieu d’enfants dont il est à la fois le père et la mère, lui qui a été privé d’enfance. La face solaire dont parle Monique dans le premier livre pourrait là être représentée par le concept de la phorie, bonheur pur et ineffable qu’a éprouvé St Christophe en portant le Christ et que reproduit Abel Tiffauges notamment à la toute fin. »

Claudine salue la beauté du texte, les mots choisis avec art et la poésie qui transparaît dans descriptions et images. Elle souligne l’importance des signes et des symboles pour le héros (cheval Barbe-Bleue, étoile, St Christophe…)

« La chasse au cerf, l’équitation, les paysages de Prusse, les personnages ou les armes sont savamment décrits en technicien de la science respective sous l’angle de laquelle il est considéré par Abel. Ce roman m’a laissé un sentiment de malaise par les situations évoquées (allégeance, postures, détails…), les réactions (ambigüités), les thèmes.

Un livre à ne pas manquer cependant, même s’il laisse un arrière-goût amer. »

Sylvette a été particulièrement intéressée par le contexte historique riche du livre et la psychologie particulière du héros totalement dénué d’empathie pour les hommes mais non pour les animaux.

« J’ai eu beaucoup de mal à lire la première partie du livre nécessaire cependant pour comprendre l’enfance ou la non-enfance d’Abel. On entre mieux dans la 2ème partie. Le concept de phorie m’a impressionnée ainsi que le sentiment unique qu’éprouve le personnage envers les enfants. Comme Robinson se transformant peu à peu au contact de Vendredi, peut-on penser qu’Abel s’humanise au contact des enfants dont il a la charge dans le camp ?

Un beau livre qui a fait scandale en son temps, que je ne regrette pas d’avoir lu et qui ne manque pas de nous interroger sur des questions majeures existentielles. »

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10 février 2016 3 10 /02 /février /2016 16:03

Une femme fuyant l’annonce de David Grossmann (21ème siècle), récit bouleversant d’une mère fuyant l’annonce hypothétique de la mort de son fils.

Ce roman, âpre, dur, dense, fort, sombre, se déroule de nos jours en Israël où, dans des paysages sublimes évoquant la Bible et la Genèse, une femme crapahute en compagnie de son amour de jeunesse et père d’un de ses deux fils, elle se raccroche à l’espoir fou que le simple fait d’être absente lors de l’annonce de la mort de son fils au front, peut le protéger.

M.F nous dit parlant d’Ora, cette mère-courage « Elle se dresse contre la volonté de Dieu avec comme seule arme les mots…Elle bavarde mais l’essentiel ne sort pas de sa bouche. Grossmann arrive à nous faire pénétrer dans l’âme des êtres et c’est en cela, je pense, qu’on ne peut sortit indemne de cette lecture magnifique et intense qui peut aussi nous faire penser à une tragédie grecque »

C’est aussi un superbe roman sur l’enfantement et la maternité . Une véritable sensibilité féminine se dégage à la fois dans les multiples évocations de l’enfance et de la jeunesse des deux frères, contées par Ora et dans la façon dont celle-ci se perçoit par rapport à « ses » hommes (importance des mots tels que « dépotoir », « paratonnerre » (p.376), « mannequin » (p.578), à tel point que G. s’est demandé si c’était vraiment un homme qui avait écrit ces lignes.

La plupart des lectrices souligne que le début du roman est difficile, déroutant et qu’il faut s’accrocher pour poursuivre, mais il en vaut la peine.

Trois légers bémols à cet enthousiasme : essentiellement trop de longueurs, notamment les pages sur l’enfance des gamins et leurs petites manies, mais qui cadrent bien avec la mentalité d’Ora, vraie mère juive selon nos critères.

Très beau et émouvant personnage d’Avram, selon S., qui, brisé par la guerre, l’emprisonnement et la torture, vit une renaissance à travers le voyage avec Ora.

Ce roman, commencé en 2003, a été interrompu un temps à la mort du fils de l’auteur survenue en 2006, quelques jours avant le cesser-le feu, (dans les mêmes conditions que pourrait se produire la mort d’Ofer), il peut aussi être considéré comme un roman-thérapie.

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10 février 2016 3 10 /02 /février /2016 15:35

La Conquête de Plassans de Zola (19ème siècle), fresque fascinante qui nous plonge dans la rouerie et la noirceur humaines.

la Conquête de Plassans est le 4ème volume consacré à la série des Rougon-Macquart.

-L’action se déroule de 1858 à 1864 à Plassans, alias Aix-en-Provence, ville natale de Zola et de Cézanne.

-Ville de province où se côtoient noblesse de robe parlementaire et bourgeoisie d’artisans.

« J’ai beaucoup apprécié, nous écrit G. les différents milieux politiques de Plassans….les personnages de la sous-préfecture et du milieu judiciaire ainsi que l’évocation des petites ambitions locales »

Car, en effet, l’effervescence qui anime ce récit est l’échéance électorale (bin oui ! toujours la même histoire !). Qui va l’emporter ? Le candidat de Louis-Napoléon Bonaparte dit le petit par Victor Hugo ? Les Royalistes représentés par les Légitimistes descendants de Louis XVI et par les Orléanistes ? Les Républicains héritiers des révolutionnaires ?

Bref, dans les salons de la ville, ça papote, ça médit, ça complote, ça trahit. Un régal, souligne ironiquement M., qui ajoute qu’il s’agit aussi et avant tout de conquête(s) ! d’une femme ? d’une maison ? d’une ville ? par le diable ? non, par un curé qui ne paye pas de mine, mais, comme le fait remarquer G. « comme Vautrin, Faujas est énigmatique, aventurier, ennemi des femmes et attiré par les jeunes hommes » et servi, dit M., par une voix de velours et une onctuosité de prélat, ni beau ni riche, mais manipulé lui aussi par S.E Eugène Rougon himself et sur-vitaminé par une mère trop aimante et terrifiante. C’est donc lui qui parviendra à séduire « ses dévotes paroissiennes et les jeunes bourgeois turbulents de Plassans (Georges) et…Marthe, maîtresse de la maison Mouret !

Charme du temps qui passe, adolescentes naïves en nos vertes années, nous ne décelions là qu’un 1er degré que nos yeux aguerris décodent à présent avec délice comme l’attirance indéniablement sensuelle (et légitime ?) que cette femme frustrée éprouve et à laquelle elle succombe aussi physiquement que spirituellement. Sacré Zola !

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10 février 2016 3 10 /02 /février /2016 15:15

LE HERON DE GUERNICA

d’Antoine Choplin

Un petit aperçu du roman : Avril 1937. Après l’anéantissement de Guernica sous les bombes, un jeune peintre est envoyé à Paris par le curé de sa paroisse pour entrer en contact avec Picasso.

Les lectrices ont adoré ce livre. Voici quelques unes de leurs remarques glanées au cours de leurs interventions.

« Beau, sensible, émouvant. J’ai aimé cette alternance entre la Vie et la Mort.Dans ce récit, s’impose la présence silencieuse et récurrente d’un héron que le jeune peintre ne cesse d’observer et de dessiner, sorte d’antidote au désespoir.

Style sobre, ce qui n’est pas toujours le cas à notre époque où s’impose trop fréquemment le « gore ».

Ecriture pleine de non-dits laissant au lecteur une part active d’interprétation.

Œuvre magnifique de subtilité où les paysages et les hommes ne sont pas décrits, mais peints.

A propos de hérons, Claudine H nous signale au passage qu’il n’y en a plus, hélas, de nos jours à Guernica, où l’urbanisme galopant a eu raison de ses paisibles marais.

Il s’en est donc fallu de peu que nous n’atteignions les 100 % de satisfaction, si un zeste de citron n’avait été ajouté par notre nouvelle participante, Gisèle, pimentant ainsi notre cocktail d’éloges et animant notre débat littéraire mensuel grâce à ces points de vues différents.

Ainsi, sur deux points :

1)l’auteur a-t-il ou non valorisé ou déprécié le Maître lors de sa rencontre avec le jeune peintre ?

2)Celui-ci n’apparaît-il pas plutôt, tout au long du récit, comme un jeune niais, trop naïf ?

Un consensus est établi à l’égard du grand peintre. Si, certes l’homme est peu sympathique et indifférent au jeune homme, son œuvre est géniale et son tableau « Guernica » contribua grandement à faire connaître dans le monde entier ce qui n’aurait pu être qu’un bombardement de plus et devint la tragédie qui endeuilla l’Espagne…sans y avoir assisté lui-même.

Pas d’agressivité ni même d’indifférence, selon Gisèle, de la part du grand peintre pour le jeune débutant en qui on ne retrouve pas, à son grand regret, l’âme basque combattante qui a forgé bien des héros.

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